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La tragédie du Rythm's and Blues
4 février 2009

Marvin Gaye

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Rarement poisson d'avril n'aura laissé pareil goût de cendre dans la bouche des amoureux de la musique... Le 1er avril 1984 disparaissait Marvin Gay Jr, tombé sous les balles de son père, Marvin Gay Sr. Une fin tragique malheureusement symbolique de l'existence mouvementée d'un des plus grands artistes à avoir foulé cette foutue Terre...

Le 2 avril 1939 naît Marvin Gay Jr à Washington DC. Son père est pasteur, et c'est donc tout naturellement que le fiston s'initie au chant, au piano et à la batterie durant les offices. Toutefois, la situation est beaucoup moins idyllique dans la sphère privée. Le père manifeste des tendances violentes dont son épouse et ses enfants font les frais. Il développe également une sexualité trouble et débridée qui va durablement traumatiser le jeune Marvin (on parle ici de jeux avec des robes, ce genre de trucs...). Ainsi apparait une constante qui va agir sur Marvin pour le restant de sa vie :un tempérament craintif, un mal-être qui peut paraître inoui quand on songe aux multiples dons du gus en question : (très) beau garçon, musicien hautement compétent, voix sublime à se faire damner...

A l'adolescence, Marvin poursuit sa formation musicale en intégrant différents ensembles de doo-wop. Ce courant aseptisé du rythm n' blues fait fureur en cette deuxième partie des fifties. Ici, toute allusion au sexe et à la débauche est absolument proscrite!!! Les métaphores angéliques, les couchers de soleil, et toutes ces conneries sont utilisés pour rassurer toute une frange puritaine de l'Amérique encore scandalisée par les déhanchements lascifs d'Elvis et l'ambiguïté sexuelle de Little Richard. Les groupes de doo-wop donnent une image présentable de la jeunesse noire, loin des droits civiques... Mais le succès n'est pas au rendez-vous pour Marvin (à l'exception peut-être des Moonglows), il fait toutefois une rencontre qui aura son importance pour sa carrière future en la personne du producteur Harvey Fuqua.

Il décide alors de plaquer toutes ces niaiseries, et de monter à Détroit pour tenter sa chance dans un label encore tout jeune. Il sollicite Berry Gordy, PDG de la future toute-puissante Tamla-Motown, et parvient à se faire embaucher comme batteur de session/homme à tout faire pour des artistes comme Smokey Robinson and the Miracles (no shit!!!). Il rentre dans les bonnes grâces du boss d'autant plus qu'il épouse la soeur de ce dernier. Anna Gordy est de plusieurs années son ainée, et va lui permettre de gravir les échelons de la Motown... Berry Gordy a une nouvelle idée en tête : il est agréablement surpris par la voix de son beauf', et il constate que la gent féminine est loin d'être indifférente au charme nonchalant et gauche de ce beau gosse. Il va alors tenter d'en faire une nouvelle star maison aux côtés de Smokey Robinson, Mary Wells, des Temptations, et du petit prodige de 12 ans, Little Stevie Wonder (la concurrence interne est rude!!!).

En ce début des années soixante, Motown réussit un exploit sans précédent : séduire durablement l'Amérique blanche avec des artistes afro-américains. Pour ce faire, les artistes/compositeurs/musiciens maison font un subtil mélange entre le ryhtme noir et la sophistication harmonique blanche, le tout enrobé par des paroles bon enfant et positives. Ainsi, les débuts discographiques de Marvin pour le label sont encourageants : il place quelques singles frais et pétillants dans les charts (Can I Get A Witness?, Hitch Hike, Stubborn Kind Of Fellow...). Des titres qui font dèja parler outre-atlantique car les Stones les reprennent dès 1964!!!

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Pour parachever cette entreprise, Berry Gordy encourage fortement son poulain à enregistrer des duos avec les stars féminines de la boîte (Mary Wells, Diana Ross...). Ainsi la firme pourra capitaliser sur son image de bourreau des coeurs. Or il y'a comme un malaise... Marvin Gaye ne se reconnait pas dans ce schèma-la... Les duos enregistrés sont parfois bons et figurent honorablement dans les charts, mais il y'a maldonne! Jusqu'au jour où il fait la connaissance de la sublime Tammi Terrell (une ex de James Brown et une future de David Ruffin, des Temptations), les premieres impressions sont éblouissantes : ces deux-là étaient faits pour chanter ensemble! Les chansons d'amour semblent soudain crédibles (bien que l'affaire entre eux fut strictement platonique), et "Ain't No Mountain High Enough" fait un carton en 1968 (au même titre que le grandiose "I Heard It Through The Grapevine dans sa carrière solo). Marvin semble enfin prendre confiance en lui, quand...

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Patatras!!! A la suite d'une baston avec David Ruffin, Tammi succombe des suites d'une tumeur au cerveau en 1970 à l'âge de 24 ans... Dèja, elle s'était effondrée dans les bras de Marvin en plein concert mais elle persistait à ne pas parler de ses malheurs... Marvin est totalement devasté, il arrête illico la scène, et songe sérieusement à abandonner le monde de la musique. Il ne veut plus du rôle de gendre idéal que Motown veut le voir endosser, son âme soeur vient de mourir et on aimerait qu'il continue à jouer la comédie ? Les Etats-Unis sont en flammes (révoltes de Watts, de Detroit, guerre du Vietnam, incident de Kent University...) et il devrait chanter l'amour éternel ?

Alors Gaye sombre dans la dépression : l'année 70 est une année blanche dans tous les sens du terme. La cocaïne fait son apparition et va sérieusement perturber la suite de la vie de Marvin... Il essaie de passer footballeur américain professionnel au sein des Detroit Lions, mais c'est un échec... Il va lentement sortir de sa dépression à la suite d'une prise de conscience : son frère rentre de trois ans passés au Vietnam, et on lui propose une chanson qui fait echo à toute cette débacle. Hey Marv', what's going on ?

What's Going On ?

What's Going On?...

Alors il revient dans le giron de Motown, mais il tient à imposer ses propres conditions à Gordy : OK pour enregistrer, mais je tiens à garder un contrôle total sur l'ensemble du projet... Contre toute attente, Gordy dit banco! Il n'aura pas à le regretter puisque l'album "What's Going On" est un carton complet. Et ce n'était pas gagné d'avance : les chansons qui le composent sont on ne peut plus éloignées de l'univers Motown. On y parle de guerre, de drogue, de pauvreté et d'écologie. C'est un album concept qui parle du retour d'un vétéran du Vietnam et qui constate que son propre pays n'est que haine, inégalités et souffrance... Cet acte courageux permet à Marvin de s'emanciper définitivement de son rôle superficiel de sex-symbol, et d'endosser le rôle casse-gueule de porte-parole. Gaye ouvre une brêche chez Tamla-Motown qui permettra au jeune Stevie Wonder devenu adulte de produire ses chefs-d'oeuvre visionnaires à venir.

Le succès est toujous au rendez-vous en 1973 avec le très cul "Let's Get It On" (une petite traduction ? "Tirons un coup"...), album ouvertement sexuel où Marvin chante sa passion dévorante pour la jeune Janis Hunter (17 ans...). Sur sa lancée, Marvin revient sur scène en janvier 1974 à Oakland. Cette soirée est immortalisée sur le magnifique album "Live!, le trac est toujours présent mais la performance est de première bourre!

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Mais le contrecoup va être redoutable : Anna est lassée de ses infidélités et la cocaïne modifie progressivement le comportement de Marvin : il devient fantasque et violent... C'en est trop pour Anna qui le quitte et demande le divorce : un divorce douloureux qui sera l'objet de "Here, My Dear", album déprimant et glauque qui scellera le destin des deux mariés ainsi que celui de Marvin et Motown...

Débordé sur sa gauche par de jeunes loups aux dents longues qui ont pour nom Prince, Rick James ou Michael Jackson, Marvin Gaye a un étonnant réflexe de survie. Il quitte L.A et ses tentations pour rejoindre...la Belgique!!! Il se refait une santé à Ostende (Arno, le chanteur, y fut son cuisinier), et décide d'écrire un nouvel album pour un nouveau label (CBS en l'occurence). Contre toute attente, "Midnight Love" qui parait en 1982 est un raz-de-marée mondial porté par le tubesque "Sexual Healing"!!! Après cinq années de traversée du désert, Marvin tient à en remontrer à la nouvelle génération.

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Malheureusement, ces bonnes intentions ne durent pas...Le succès de l'album est tel que CBS lui impose une tournée triomphale aux States. Marvin ne tarde à replonger dans ses vieux démons, et les concerts ne sont pas toujours à la hauteur. Malgré quelques sursauts comme cette interprétation magistrale de l'hymne US lors du All-Star Game NBA en 1983, il sombre dans la dépression et la cocaÏne freebase. Ses apparitions se font de plus en plus rares... C'en est trop pour son père qui l'accuse de "diablerie", et le tue à bout portant à son domicile de Los Angeles. Quel autre endroit pour mourir que la cité des anges quand on a été un des plus majestueux archanges de la musique populaire ?

Wherever you are Marvin, love... Merci pour tout...

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Commentaires
L
Ils ont tous les deux rajouté un "e" à leur nom de famille pour faire plus "star", ce sont deux de mes chanteurs préfèrés, la mort par révolverisation (pas exactement dans les mêmes circonstances!!!), le côté "concerné" ("A change is gonna come" vs "What's going on ?" ou le choc des titans!!!)<br /> <br /> J'irai voir certains de tes articles plus en détail pour rebondir dessus, t'inquiètes!!!
L
Ya vachement de similitude entre MARVIN GAYE et SAM COOKE qui a sa rubrique dans ce BLOG !<br /> <br /> Tu le savais ?
L
je te laisse monter la rubrique PHOTO de tes choix, si tu as un ennui technique quelconque, préviens moi sur AIME et SEME !!<br /> <br /> blues blues blues suède shoes !
L
Merci Lovemich et Eelsoliver!!! C'est surtout que lorsque l'on s'attache à un artiste qui nous est (très) cher, on n'a pas forcément envie de le décevoir!!!<br /> <br /> Tout le mérite en revient à Marvin!<br /> <br /> Quant au fait de ne pas trop le connaître, Olivier, si ce papier peut te donner l'envie de découvrir certaines des nombreuses perles qu'il a semées,alors j'aurai atteint mon but! Mais ce n'est pas une obligation!!!
E
je me joins à lovemich pour souligner toute la qualité de ce billet: bravo et encore félicitations! Difficile pr moi de rebondir sur cet artiste que je connais mal car ce n'est pas trop mon style.
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