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La tragédie du Rythm's and Blues
15 mars 2009

The (French) king has left the building (Hommage à Bashung)

La vache... Comment aborder un pareil sujet ? Comment faire passer les émotions sans passer pour un vulgaire Fredéric Lefebvre (sisisi! il a osé... Avait-il seulement entendu ce que Bashung pensait de son maître...ou alors même la mort du poète sert à la com' des vautours...?)?

Alors voila un vilain crabe a déboulonné la statue du Commandeur du rock français, et encore un cliché! Depuis hier soir, les journaleux sortent les mêmes poncifs pour aborder Bashung : poète et rocker, populaire et exigeant, chanteur-acteur...Oui bien sur, il était tout ça...Mais quand même! Plus de quarante ans de carrière résumés en deux minutes chrono à la traîne des journaux télévisés, j'en aurais balancé ma télé de rage... J'ai même entendu sur Europe 1 (et oui, je balance!) qu'il avait rencontré Boris Bergman en 1986... Dès 70, Bergman écrit deux chansons pour Alain, et dès 77, il collabore à "Roman Photo", son premier album...

Là est donc tout le mystère Bashung : tout le monde le connait , mais sans forcément le connaître. Dans sa vie même, il a eu des zones d'ombre qu'il a eu du mal à déchiffrer. Ce père absent dont il ne trouvera trace que bien plus tard, les granges en flamme de l'Alsace de son enfance qui lui inspireront "Pyromanes", ces impressarios douteux qui veulent absolument en faire le Tom Jones à la française à la fin des sixties...

Et ce monde de la chanson française qui en faisait un des leurs...alors qu'ils l'avaient toujours plus ou moins considéré comme un franc-tireur provocateur et dangereux (du moins avant "Fantaisie Militaire", album où Bashung gagne direct son ticket pour l'éternité)... Alain ne se sentait pas franchement issu d'une lignée : il reconnaissait Gainsbourg, le Ferré symphonique, Brel...mais bon, son univers c'est aussi Buddy Holly, Elvis, la country... Ses reprises de "You've lost that lovin' feelin'" des Righteous Brothers, des Moody Blues, de Dylan témoignent de cet enracinement dans la musique populaire anglo-saxonne et américaine en particulier.

Bon, je ne ferai pas la notice biographique : d'autres s'en sont chargés avant moi. Je vais plutôt tenter d'aborder certaines phases de sa carrière au travers de clips ou apparitions live (tout en vous invitant à voir celui de "La nuit je mens" sur l'article de Clash).

Sa carrière débute à proprement parler en 1966, il a alors 19 ans et on aimerait voir Baschung (son véritable nom qu'il garde encore pour sa carrière à ce moment-là) occuper un créneau "satirique et insolent" à la manière d'Antoine le marchand de lunettes ou de Dutronc... Ainsi ses chansons s'appellent "Pourquoi revez-vous des Etats-Unis ?" (ce qui est ironique venant de sa part!!!) ou ce "T'es vieux t'es moche" dont on a pas de difficultés à comprendre qu'il aura du mal à se vendre avec un titre pareil...

A la suite de cet acte fondateur, plusieurs 4-titres et 45 tours suivront sans pour autant bouleverser le paysage musical français (de mémoire, je cite une 28e place au hit-parade "Salut les copains" en 1968, bonjour la gloire!). Ecoutez ce Mike-Brantesque "Les Romantiques"...

Les seventies ne démarrent pas bien pour Alain, et il faut attendre la rencontre avec Dick Rivers aux alentours de 1973 pour que Bashung relève la tête. Après avoir collaboré sur plusieurs albums du Niçois, il appelle Boris Bergman pour démarrer autre chose... Le premier album en commun des deux olibrius s'intitule "Roman-Photo" et sort en 77 chez Barclay. Bon, malgré quelques jolies réussites comme le morceau-titre et le révélateur "C'est la faute à Dylan", l'album souffre d'un léger manque d'unité (peut-être due à la présence de deux auteurs, Bergman et Daniel Tardieu).

Après un second album qui échoue commercialement, "Roulette Russe", Barclay songe à couper les vivres à Alain...Et c'est dans la détresse noire que va survenir le miracle! Bashung les persuade d'enregistrer le single de la dernière chance...


Alain Bashung - Gaby Oh ! Gaby (1981)

Et là, bingo!!! Same player shoot again! Le single se vend par camions entiers et marque de son empreinte l'année 1980. Barclay décide de ressortir "Roulette Russe" en insérant les deux titres du single à la place de "Les Petits Enfants" que Bashung aimait pourtant beaucoup au point de la jouer régulièrement sur scène, et de "Milliards de Nuits dans le frigo" qui a moins marqué les esprits. Cet album est le premier classique certifié de Bashung : je vous conseille "Bijou Bijou" (magnifique...), "Station-Service", "Elsass Blues", "Je Fume Pour Oublier que Tu Bois", "Toujours Sur La Ligne Blanche" (génial!!!)...

L'année suivante, Bashung réedite l'exploit avec "Vertige de l'amour" et l'album "Pizza"... Sa côte semble au zénith, pourtant quelques signes avant-coureurs du drame à suivre se trouvent sur "Pizza"... Des titres comme "Reviens, Va-t'en" ou "ça cache Quekchose" semblent annoncer un virage à 180 degrés ("Attends-toi à des distorsions..."). Sur cet album on trouve également l'excellent "Aficionado" et un classque un peu plus méconnu que "Vertige...", "Rebel".

Bashung semble se lasser de son personnage de rocker porté sur le jeu de mots rigolo. Pour se débarasser de cette étiquette, il fait appel à Gainsbourg pour le grandiose "Play Blessures", album qui demeure toujours aussi tétanisant 25 ans plus tard. De la "cacophonie rigoureuse" selon les propres mots de Bashung... Des synthés glacials, des dissonances grinçantes et des textes glauques de chez glauques au service de chansons claustrophobiques qui prennent à rebrousse-poil le grand public qui avait plébiscité les deux singles précédents... Pourtant "C'est comment qu'on freine ?", "Martine Boude", "Volontaire", "Scènes de Manager", "Junge Manner" ou "J'envisage" gagneront au fil du temps un staut incontestable de chefs-d'oeuvre dans une discographie aussi dense... Si un anglo-saxon s'était fendu de ce disque, tout le monde aurait crié au génie! Oui on parle de ce niveau-là...

Le public ne suit pas et cette désaffection se confirme avec "Figure Imposée" qui suit en 1983... Bashung paye le prix fort son indépendance artistique... "Figure Imposée" est un album mineur de sa discographie malgré "What's In A Bird" et le très réussi "Elegance". Le succès revient avec le single "SOS Amor" de 1984. Morceau sympathique qui semble renouer avec les recettes de "Gaby" (même si Bergman n'est pas de la partie, Didier Golemanas est aux manettes).

Après la parenthèse "Touche pas à mon pote" qui voit le retour de Bergman en 1985, Bashung sort un live quintessentiel, le "Live Tour 85" qui demeure un des tous meilleurs témoignages live du rock français. L'album "Passé le Rio Grande" qui suit en 1986 est un succès public qui voit Bashung remporter ses premières Victoires de la Musique. Pourtant l'album fait singulièrement daté aujourd'hui : sonorités cheap et enfilade ininterrompue de jeux de mots tendance lourdingue... Voici le clip de "L'arrivée du Tour" pour vous faire une idée...

Après une tournée triomphale en 1987, Bashung fait une pause de deux ans...Et voici le deuxième accident industriel de sa carrière! Bashung envoie tout valser et réalise un album-suite pour "Play Blessures" avec le concours de Phil Manzanera (Roxy Music!!!), Colin Newman (Wire)... "Novice" est un album génial qui ne trouvera pas son public (encore...) malgré "Bombez !", "Etrange Eté", "Pyromanes", "Alcaline"... L'ambiance est glaciale entre Bashung et Bergman qui rompent définitivement au profit de Jean Fauque. Les concerts de la tournée sont parfois annulés faute de combattants, pourtant le "Tour Novice" montre à quel point ces concerts étaient d'un niveau très très élevés...

La résurrection définitive vient en 1991 avec "Osez Joséphine", album où Bashung prend plaisir à marier originaux et reprises enregistrées à Memphis. La chanson-titre est un carton, et l'album se vend par brouettes entières. Les Victoires de la Musique le sacrent à nouveau... La Statue du Commandeur est désormais bien en place! Même un morceau aussi peu radiomical que le sublime "Madame Rêve" est multidiffusé sur les ondes...

"Chatterton" en 1994 suit le même chemin succès-Victoires-radio grâce aux deux hits "Ma Petite Entreprise" et "J' Passe Pour Une Caravane". Album réussi mais peut-être un peu lisse, "Chatterton" réunit de sacrées gachettes aux guitares comme Link Wray, Arto Lindsay, Sonny Landreth, n'en jetez plus!!! La tournée afférente est un triomphe qui donne lieu à l'agréable live "Confessions Publiques, mais moins crucial que les deux lives cités précedemment.

A la suite d'une séparation douloureuse avec sa femme, Bashung semble au trente-sixième dessous. Pourtant il va en tirer son magna opus, un album auquel chaque jeune Turc de la chanson française va devoir s'attaquer, un sommet difficilement atteignable... "Fantaisie Militaire" déboule à l'hiver 1997-1998 et prend tout le monde de court. Comment un album aussi exigeant et mélancolique a pu séduire autant d'auditeurs ? "La nuit je mens" est un carton bien mérité, mais le reste de l'album est à ce niveau : le morceau-titre, "Sommes-Nous", "Malaxe", "Angora"... Il faudrait toutes les citer! Une chanson en particulier prend un sens tragique en ce jour : le désespéré "Aucun Express" qui fait office de diamant noir dans cet album plus gris que réellement sombre.

A la suite de ce triomphe, plus rien jusqu'en 2002 sauf "Climax", double compilation qui voit quelques duos en compagnie de M, Rachid Taha, Marc Ribot, Noir Désir... "L'Imprudence" voit le jour à l'automne 2002, et le moins que l'on puisse dire, c'est que cet album est "à part"... Quasi-symphonique, très peu mélodique, il rebute les amateurs de rock... Mais quelques joyaux sont à signaler : "Faites Monter", "Je me Dore", "Un Dimanche à Tchernobyl", "Tel"... La Tournée des Grands Espaces est comme de bien entendu couronnée de succès...

Après la récréation en compagnie des "Aventuriers du Nouveau Monde" (Aubert, Kolinka, Cali, Raphael et Daniel Darc) pour quelques concerts en 2007, la rumeur enfle : Bashung serait mal en point... L'album "Bleu Pétrole" qui voit le jour en mars 2008 ne semble pas étayer cette hypothèse : la voix est toujours aussi assurée, les chansons écrites avec Gaetan Roussel (Louise Attaque), Arman Mélies, Joseph d'Anvers ou Gérard Manset (enfin!!! depuis le temps que j'attendais la rencontre de ces deux-là...) sont au rendez-vous... "Comme un Légo" est magistrale, "Je Tuerai La Pianiste" est grandiose, "Venus" est envoutante...

Mais le malaise s'installe avec ses apparitions promotionnelles, c'est un Bashung affaibli et qui ne fait pas mystère de ses douleurs qui assure le service après-vente... Malgré cela, il livre une véritable leçon de courage lors des concerts de la tournée. Rarement on aura senti un tel amour entre un public et un artiste, et à aucun moment, ö grand jamais,il n'a flanché ! Ce n'était pas des concerts au rabais, il s'obstinait à tout donner. Nous pensions qu'il s'agissait peut-être de l'adieu aux armes, mais de là à penser que c'était l'adieu aux larmes...

Aujourd'hui, il fait soleil, mais putain j'ai froid... Salut Monsieur...et à bientôt!

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Commentaires
L
Merci Olivier! Sympa!!!
L
jlai fais mais j'ai un N° d'attente à 8 chiffres !
E
merci encore leslie pr ce superbe billet sur le cinéma d'olivier! Quel travail et quel hommage: bravo!<br /> sinon lovemetender, j'ai été voir ton pb et je dois dire que c'est assez étrange: un conseil contacte l'administrateur canalblog et explique leur en détail le pb.
L
Mais rappelle toi que c'est un BLOG HOMMAGE, et non nos gouts PERSOS !! <br /> <br /> Sinon, ce blog se bornerait à maxi 3O artistes, ( 20 pour totoffe ( sans garantie ) et maxi 10 pour moi )<br /> mais une trace reste une trace,si ils me plaisent pas, ils ont plus à des millions d'autres personnes,donc la traçabilité est normale ! <br /> Je peux pas sacquer les groupes "sauvages" et bruyants, mais d'autres générations les vénèrent, alors je m'incline !<br /> Mais je ne te contre pas, lis bien l'article de LESLIE, il n'est pas à sens unique, mais très dent de scie ( quand à la carrière et les choix de Baschung )<br /> D'ailleurs = Comme tout le monde !!<br /> Aucun artiste n'a eut une carrière 20 sur 20 !<br /> La vie n'est que aléas ...<br /> <br /> Merci de ton passage en tout cas !
M
je n'ai jamais accroché avec ses chansons et même là en réecoutant j'avoue que j'ai du mal. Je ne doute pas sur le fait que ça soit un Grand monsieur de la chanson qui vient de disparaitre, mais moi c'est pas pas ma tasse de thé.
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